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jeudi 18 avril 2019

Au secours, nos abeilles disparaissent !


Des chercheurs de l’Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris questionnent le passé pour mieux comprendre le déclin actuel des insectes pollinisateurs.

          Imaginez un printemps sans abeille, sans bourdonnement. Fini le chant des oiseaux au petit matin. Bien entendu, oubliez le miel, les fruits et les fleurs. Tout n’est que silence. Ceci n’est pas le début d’un roman de science fonction, mais bien une réalité qui pourrait nous être proche. Les insectes pollinisateurs, dont les abeilles font parties, jouent un rôle important dans le maintien des écosystèmes et de la biodiversité. Environ 80% des espèces à fleurs en dépendent, et cela inclus une partie des plantes issues de nos activités agricoles. Une réduction des insectes pollinisateurs sur notre planète, impacterait la survie de ces plantes et affecterait la rentabilité d’une partie des productions agricoles. Les abeilles ne sont pas là que pour annoncer l’arrivée du printemps. Elles sont aussi d’une importance écologique et économique capitale.

          Les populations d’abeilles s’effondrent.

          Déjà dans les années 1990, les apiculteurs français avaient lancé un cri d’alerte : les populations d’abeilles s’effondrent. Aujourd’hui, même constat. Les colonies d’abeilles continuent de disparaître rapidement. États-Unis, Afrique, Asie, la France n’est pas la seule à être touchée. Ce phénomène mondial a un nom : le Syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles Colony Collapse Disorder » en anglais). Ce déclin affecte les filières liées à l’apiculture : moins de ruches, moins d’apiculteurs. Ceci se ressent aussi par une diminution de la production annuelle française de miel. De 35 000 tonnes de miel produit il y a trente ans, elle est réduite de moitié en 2016 (16 000 tonnes). Ces deux dernières années, elle est néanmoins en légère hausse avec une production annuelle proche des 19 000 tonnes. Cela ne suffit pas à couvrir notre besoin national annuel qui est estimé à 40 000 tonnes. La France se doit alors d’importer plus de miel qu’elle n’en exporte.

          Le déclin des populations d’insectes n’est pas un simple fait divers, mais bien une observation scientifique.

         
Ces dernières années, différents projets scientifiques ont entrepris le recensement des espèces d’abeilles et autres insectes. C’est le cas par exemple du programme européen « EPILOBEE » lancé entre 2012 et 2014. Il visait à recenser l’état de santé des abeilles dans dix-sept États membres de l’Union européenne. Le but, fournir des résultats comparables d’année en année, grâce à la mise en place d’une méthode commune. Cette étude fait l’état d’un taux de mortalité hivernale des abeilles supérieur à la normale (10%) dans plus de la moitié des pays étudiés. C’est le cas de la France avec un taux moyen de 14%. Le sort ne s’acharne pas seulement sur l’abeille domestique (Apis mellifera). Les abeilles sauvages – il en existe près de 960 espèces en France, et autres insectes volants sont également touchés. En un peu moins de 30 ans, les réserves naturelles allemandes ont perdu près de 75% de leur bio masse d’insectes volants. Le suivi de ces populations est donc crucial pour comprendre les causes multiples de ce déclin.


          Questionner le passé pour mieux comprendre le présent et anticiper le futur.

          Qu’en est-il de l’évolution de ces populations sur le long-terme ? Seul le futur nous le dira. Mais pourquoi attendre, alors que nos musées regorgent d’un florilège de données encore inexplorées. C’est la stratégie mise en place par Adrien Perrard, maître de conférence à l’Université de Paris, et ses collègues, pour mieux comprendre l’évolution des populations d’abeilles et de guêpes du Sud de la Corse. Pour cela, ils ont suivi les traces de Charles Ferton, entomologiste français du XIXème siècle. Ils ont examiné, annoté, répertorié plus de 13 000 spécimens collectés par C. Ferton entre 1891 et 1909, près de Bonifacio. Ils sont ensuite retournés sur les sites de collectes et ont entrepris un nouvel échantillonnage des espèces en 2017. Ces travaux montrent un fort changement dans les espèces d’abeilles et de guêpes. Certaines espèces collectées par C. Ferton étaient absentes. C’est le cas par exemple de l’abeille Andrena savignyi. À l’inverse, d’autres n’étaient présentes que dans le recensement de 2017. La distribution territoriale des espèces est également modifiée. Autrefois plus proches des côtes, certains insectes se sont retranchés dans les terres et montagnes.
          Une étude similaire réalisée en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, publiée en 2006 dans la revue Science par Jacobus Biesmeijer et ses collègues de l’Université de Leeds, montre un déclin mutuel des insectes pollinisateurs et des plantes à fleurs qui en dépendent. Ils ont comparé des spécimens d’insectes et de plantes collectés avant et après 1980. Il y a une synergie étroite entre la répartition spatio-temporelle des espèces d’insectes au sein d’un territoire et l’évolution des paysages et du climat.


          Ce phénomène de déclin est international.

          Pesticides, agents pathogènes, changements climatiques, urbanisation, les causes à l’origine du déclin des abeilles et autres insectes pollinisateurs sont multiples. C’est en intégrant l’ensemble de ces facteurs et en agissant que nous pourrons redresser la pente. Le cri d’alarme lancé par nos apiculteurs il y a de ça trente ans est toujours d’actualité. Nous ne pouvons plus l’ignorer.

M.A
. - Article paru dans JS2, Avril 2019

REFERENCES : 

• To understand insect decline, we need to use the time machine we have : Natural history collections. A. Perrard et al. (2019). Communication – Conférence « Insectes : amis, ennemis et modèles », Académie des Sciences Paris.
• Parallel declines in pollinators and insect-pollinated plants in Britain and the Netherlands. J. Biesmeijer et al. (2006) Science (313) 251.
• Récolte de miel 2018, entre 18 et 20 000 tonnes. UNAF – Communiqué de presse (25 Octobre 2018)
• « A pan-European epidemiological study on honeybee colony losses 2012-2013 ». EPILOBEE, (août 2014).
• More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. Hallmann et al. (2017) Plos One 12 (10): e0185809  

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