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jeudi 13 juin 2019

L’ADN : une cartographie des flux migratoires du passé



Ce mois-ci, je vous emmène dans le Grand Nord, sur les traces des ancêtres des peuples autochtones de Sibérie et d’Amérique du Nord en zone Arctique, pour mieux comprendre comment ces différentes tribus ont émergés.

          L’étude des vestiges collectés sur les sites archéologiques permet d’étudier l’évolution des civilisations passées et présentes. Mais c’est en combinant l’archéologie à la génomique, qui permet le séquençage des génomes, que les chercheurs ont pu retracer les flux migratoires à l’origine de ces tribus. Ces travaux de recherches, issus de deux collaborations internationales et interdisciplinaires, ont été publiés ce mois-ci dans la revue Nature.

          Un génome, c’est le patrimoine génétique d’un individu. On parle également d’information génétique. Et cette information est stockée dans notre ADN. Les chercheurs ont ainsi collecté, analysé puis comparé l’ADN d’individus ancestraux vieux de 300 ans à 30 000 ans, à l’ADN d’individus issus des populations autochtones actuelles. Cet ADN ancestral peut s’extraire à partir d’un fragment d’os, de dent, de cheveu… C’est un matériel rare et précieux, qui est très souvent endommagé avec le temps. Le challenge est d’en extraire un maximum d’informations.
          Pour établir les liens de parentés entre les différentes populations (présentes et passées), les scientifiques se reposent sur plusieurs marqueurs génétiques. L’ADN mitochondriale (un élément transmit par la mère), ainsi que l’analyse du chromosome Y (transmit par le père), ont par exemple permis de montrer que l’Homme moderne était sorti d’Afrique pour migrer vers les autres continents. L’analyse des variations dans l’ensemble de la séquence d’ADN entre individus permet d’établir un degré de similitude et donc un degré de parenté. Ce type d’analyse a révélé la présence d’ADN (2%) provenant de Néandertal dans notre génome. L’Homme moderne a ainsi côtoyé et échangé avec l’Homme de Néandertal au cours de ses migrations, il y a de cela 50-60 000 ans.




          Quant est-il des ancêtres des peuples autochtones de Sibérie et d’Amérique du Nord en zone Arctique ? Les scientifiques ont remonté le temps de 45 000 ans, où les premières traces d’Homme en Arctique ont été retrouvées dans le Nord-Est de la Sibérie. Le plus ancien ADN retrouvé sur les lieux est quant à lui vieux de 31 000 ans. Nous sommes en pleine Aire Glacière. Un continent de glace unifie l’Eurasie et l’Amérique du Nord, au niveau de la zone du Détroit de Béring actuel. 20 000 ans plus tard, ce peuple ancestral de Sibérie du Nord a entamé une migration vers la pointe Est de la Russie, pour y établir un campement aux portes de l’Alaska. Une nouvelle culture est née, celle des Paléo-Sibériens (de l’anglais « Ancient Palaeo-Siberians »). C’est grâce au décryptage de l’information génétique d’un individu vieux de 10 000 ans, qu’un lien génétique entre cette tribu ancestrale et les populations actuelles de Sibérie a pu être établi.
          Cette tribu ancestrale de Sibérie du Nord ne s’est pas arrêtée là. Une partie des individus ont poursuivi leur périple pour s’établir en Amérique du Nord. C’est la naissance d’une seconde culture, celle des Paléo-Esquimaux (de l’anglais « Ancient Palaeo-Eskimos »). L’analyse de l’information génétique d’individus issus de ces deux cultures ancestrales a révélé la présence de fragments d’ADN provenant de populations d’Asie de l’Est. D’autres flux migratoires sont ainsi venus enrichir le matériel génétique de ces deux nouvelles cultures établies en Russie de l’Est et Amérique du Nord.

          Après avoir gagnés l’Amérique, les Hommes ont continué leur expansion à travers la zone Arctique d’Amérique il y a 5 000 ans, contribuant ainsi à l’apparition de trois peuples distincts : les Dorsétiens, les Saqqaqiens et les néo-Esquimaux. De ces trois tribus, seuls les néo-Esquimaux auraient contribué à l’apparition de la culture de Thulé : ancêtre des Inuits Modernes. Les Dorsétiens et les Saqqaqiens se sont quant à eux éteints il y a 2500 et 800 ans, ne laissant apparemment aucun héritage génétique identifié à ce jour. D’autres flux migratoires provenant d’Australasie ont également contribués au peuplement du continent Américain, mais cette fois-ci par le Sud. Ces Hommes sont les ancêtres des populations autochtones actuelles d’Amazonie.

          Les peuples autochtones de Sibérie et d’Amérique du Nord en zone Arctique ont un ancêtre commun venu de Sibérie du Nord il y a de cela 45 000 ans, qui peut-être par un élan de découverte du Nouveau Monde ou pour fuir les conditions extrêmes du Grand Nord, sont venus peupler les côtes Sibériennes et d’Alaska. Les raisons de ces migrations ? L’ADN ne le dit pas.

          Notre ADN est le fruit d’une mixité d’individus provenant de tous horizons, porches et lointains. Ces flux migratoires ont contribué à la richesse et à la diversité de notre information génétique, et c’est d’autant plus vrai de nos jours. Tokyo, Sydney, Mexico… Il nous suffit d’une journée en moyenne pour aller à l’autre bout du monde.


M.A
. - Article paru dans JS2, Juin 2019

REFERENCES : 

• Palaeo-Eskimo genetic ancestry and the peopling of Chukotka and North America. Flegontov et al. (2019), Nature 570, 236–240.
• The population history of northeastern Siberia since the Pleistocene. Sikora et al. (2019), Nature 570, 182–188.

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