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dimanche 24 février 2019

Les abeilles : ces reines du calcul mental



Ces derniers mois, l’attention s’est tournée vers les abeilles, qui du haut de leur 1 centimètre de long, se sont avérées être des expertes du calcul mental. Elles comptent, additionnent, soustraient et utilisent le concept du « zéro ».

          L’apprentissage des nombres se fait dès le plus jeune âge, entre 2 et 4 ans. Le langage n’est cependant pas nécessaire à notre cerveau pour avoir une conception arithmétique du monde qui nous entoure. Un nouveau-né de 4 mois peut faire la différence entre une image de deux et trois points. Au Brésil, la tribu des Mundunrukù ne possède pas de mots pour désigner les valeurs numériques supérieures à 5. Cela ne les empêche pas d’avoir une estimation des grandes quantités et d’effectuer des calculs (addition, soustraction) sur de grandes valeurs. L’Homme n’est cependant pas le seul à avoir le sens des nombres. Les primates, certains oiseaux comme le perroquet gris du Gabon ou le pigeon, ou certains amphibiens comme la salamandre, sont capables de discriminer des quantités de faible valeur. Mais ces derniers mois, les abeilles ont démontrées des prouesses arithmétiques.

          Les premières évidences de cette capacité cognitive chez les abeilles remontent aux années 1990, avec les travaux des chercheurs Lars Chittka et Karl Geiger de l’université Libre de Berlin. Les abeilles mémorisent le nombre de points de repère qui les séparent de leur ruche, lors de leurs excursions pour aller butiner. L’ajout de points de repères supplémentaires sur leur trajet de retour entrainent un atterrissage prématuré. Les abeilles s’arrêtent avant leur ruche, au nombre de points de repère comptés à l’aller.

          En juin 2018, une équipe Franco-Australienne a montré que les abeilles pouvaient assimiler les concepts numériques d’infériorité et de supériorité. Pour cela, les chercheurs ont dans un premier temps entrainé les abeilles à identifier des différences numéraires, à l’aide d’images représentant un à quatre éléments. Après cette phase d’apprentissage, les abeilles pouvaient appliquer ces concepts sur des quantités nouvellement introduites, comme la valeur « cinq ». Elles vont ainsi choisir « trois » comme étant une valeur numérique inférieure à « cinq ». Les abeilles sont capables d’analyser des différences relatives entre deux groupes d’éléments. Mais qu’en est-il de l’absence d’élément ? Les chercheurs ont présentés une carte comportant trois éléments, en face d’une carte vide. Les abeilles ont alors choisi l’absence d’élément comme quantité inférieure à « trois ». En plus de pouvoir évaluer la taille numéraire d’un groupe d’éléments par rapport à l’autre, les abeilles sont capables d’utiliser le concept numérique du « zéro ».

          Cette même équipe de chercheurs a alors complexifié le problème. Les abeilles sont-elles capables d’effectuer des opérations arithmétiques (addition et soustraction) ? Leurs travaux ont été publiés en Janvier dernier dans la revue Science Advances. Ils ont dans un premier temps entrainés les abeilles à associer la couleur jaune à l’action de « soustraire une unité » et à la couleur bleue l’action d’ « ajouter une unité ». Ainsi, en présence d’une carte bleue représentant trois éléments, c’est-à-dire l’action d’ajouter « un » à « trois », les abeilles allaient par la suite choisir la carte « quatre » et non les cartes représentant deux ou cinq éléments. Réaliser ce type d’opération fait appel à des capacités cognitives bien précises, présentes chez nous, mais également chez les abeilles comme le suggèrent ces travaux. La première est l’individualisation des objets pour pouvoir déterminer la valeur numérique de chaque groupe. La seconde : la manipulation mentale de ces objets dans la mémoire de travail. Elle permet par exemple d’imaginer l’ajout une nouvelle unité au groupe de trois éléments visualisés, et d’ainsi anticiper le résultat de l’opération « 3+1 ». La découverte de ces propriétés cognitives chez les abeilles, et plus généralement chez les animaux non-humains, permettra d’en apprendre d’avantage sur l’intégration de ces procédés par le cerveau et les réseaux de neurones qui le constitue.


M.A
. - Article paru dans JS2, Février 2019

REFERENCES : 

• Can honeybees count landmarks ? Chittka, Geiger. (1995) Animal Behavior. 49, 159–164.
• Numerical ordering of zero in honeybees. Howard et al. (2018) Science. Jun Vol. 360(6393):1124-1126.
• Numerical cognition in honeybees enables addition and subtraction. Howard et al. (2019) Science Advances. Feb, Vol. 5(2)

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