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dimanche 25 novembre 2018

Une stratégie insolite pour résister au froid hivernal

  « Winter is coming ». L’hiver arrive. Pour lutter contre le froid, nous nous emmitouflons dans nos pulls, manteaux, bonnets et écharpes. D’autres animaux migrent vers des contrées plus chaudes, ou sombrent dans un profond sommeil. La musaraigne, quant à elle réduit sa taille, du cerveau à la queue !
Dormir, manger ou voyager : différentes stratégies de survie à l’hiver
          Été comme hiver, quelque soit la température extérieure, notre corps est capable de réguler sa propre température entre 36,1 et 37,8 degrés Celsius. En plein mois d’août, pendant une séance de Zumba ou en cas de fièvre, notre corps transpire pour se refroidir. En hiver, lorsque la température extérieure est trop basse, notre organisme est capable de produire sa propre chaleur à partir de la nourriture que nous lui fournissons. Pour cela, notre métabolisme augmente pour brûler davantage de calories. Pour compenser cette hausse en besoin d’énergie, il nous faut donc manger plus. Tout comme nous, les animaux sauvages ont besoin de lutter contre le froid de l’hiver. Les baisses de températures sont généralement associées à une diminution des ressources alimentaires. Ainsi, chaque espèce a développé sa propre stratégie de survie à l’hiver.
          En pleine nature, il n’y a ni supermarchés, ni magasins pour assurer un approvisionnement en nourriture. Lorsque celle-ci vient à manquer, une stratégie est d’aller la chercher ailleurs. En hiver, certains oiseaux parcourent des milliers de kilomètres vers l’autre hémisphère pour des jours plus doux. C’est le cas par exemple de la sterne arctique, un petit oiseau de 30 centimètres qui va quitter l’Angleterre en hiver et parcourir une distance pouvant atteindre 96 000 km aller-retour (un record !) pour rejoindre l’Antarctique, puis revenir. La barge rousse est quant à elle capable de parcourir une distance de 11 500 km sans escale depuis l’Alaska (un autre record !), pour rejoindre la chaleur de l’Océan pacifique.
          Lorsque les déplacements sont limités, une alternative est d’hiberner. Cette stratégie consiste à mettre son corps en veille. La température corporelle chute. C’est le cas de l’écureuil d’Alaska dont la température de certaines parties du corps peut avoisiner les 0 degrés Celsius. Les fonctions physiologiques sont ralenties pour résister au froid hivernal. Les rythmes cardiaque et respiratoire sont diminués. Le pouls d’un ours passe par exemple d’une moyenne de 45 à 10 pulsations par minute. Il en va de même du le métabolisme pour limiter la consommation d’énergie. Pour faire face au manque de nourriture pendant l’hiver, les hibernants font un stockage de graisses dans leurs tissus adipeux. Les chauves-souris cavernicoles du Canada peuvent ainsi gagner jusqu’à 35% de leur poids avant l’hibernation. Tout au long de l’hiver, cette précieuse réserve de graisse servira de source d’énergie à la production de chaleurs.

Une réduction de taille pour compenser une forte consommation en énergie
          Mais que faire pour résister à l’hiver lorsqu’il est impossible de rejoindre des contrées plus chaudes, que la nourriture se fait rare, et qu’il est impossible d’entrer en hibernation ? La musaraigne carrelet (Sorex araneus), un petit mammifère de la famille des Soricidés, a trouver la solution : réduire sa taille de la tête à la queue pour pallier au manque de ressources alimentaires en hiver.
          Avec son long museau et sa longue queue, ce petit animal répandu en Europe de l’Angleterre à la Sibérie en passant par nos Pyrénées, pourrait être confondu avec une souris. Il n’est cependant pas apparenté à la famille des rongeurs. En Octobre 2017, des scientifiques de l’institut d’ornithologie Max Planck en Allemagne, ont montré que chaque individu voyait sa taille varier en fonction des saisons, avec une réduction de 15% en hivers pour ensuite retrouver une taille normale au printemps. Cette réduction constituerait un avantage sélectif. Un plus petit corps nécessite un plus faible besoin en énergie. Ainsi, au lieu de réguler son métabolisme comme le ferait une marmotte qui entre en hibernation, la musaraigne minimise ses besoins en énergie en diminuant le volume de son ossature et de ses organes.

Un cerveau qui change au fil des saisons
          La masse musculaire et les os ne sont pas les seuls à changer, mais aussi le cerveau. Le passage à l’hiver est associé à une réduction de 10 à 26% du cerveau. Ces changements ne sont pas proportionnels. Certaines structures sont plus affectées que d’autres. C’est le cas notamment du néocortex et de l’hippocampe, des structures entre autre impliquées dans la représentation et la navigation spatiale, ou encore la mémoire. Une diminution de ces régions du cerveau affecterait ces capacités cognitives. La musaraigne est un prédateur aguerri qui se souvient de ses différents lieux de chasse. Cela expliquerait pourquoi en hiver, cette créature est moins efficace qu’en été dans l’exploration de son environnement pour rechercher de la nourriture.
          En plus de comprendre comment les animaux s’adaptent à leur environnement au cours des saisons, cette découverte met en évidence un phénomène extraordinaire de plasticité neuronale. Les recherches futures permettront de mieux comprendre comment le cerveau régule sa taille au fil des saisons, mais également de comprendre quels sont les mécanismes qui gouvernent cette croissance neuronale : un enjeu de taille pour la médecine régénérative.

M.A. - Article paru dans JS2, Novembre 2018

REFERENCES : 
Profound seasonal changes in brain size and architecture in the common shrew. Lázaro J et al. (2018) Brain Struct Funct.

Cognitive skills of common shrews (Sorex araneus) vary with seasonal changes in skull size and brain mass. Lázaro J et al. Hertel M, LaPoint S, Wikelski M, Stiehler M, Dechmann DKN. (2018) J Exp Biol.

Profound reversible seasonal changes of individual skull size in a mammal. Lázaro J.  et al. (2017) Curr Biol.

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